Plus les techniques de webmarketing progressent et plus on regrette Pierre Bellemare.
Il n’avait pas son pareil pour installer un suspense, camper une situation et vous tenir en haleine jusqu’au bout. Si seulement il avait eu le temps de se frotter à ces nouvelles techniques. Et tout particulièrement à l’Inbound marketing.
Plus le webmarketing progresse, plus on regrette Pierre Bellemare.Comment aurait-il fait, lui ?
Bien sûr, il y a eu d’autres grands conteurs. Il y en a toujours.
Mais il était un des derniers grands géants, dans la lignée des Alain Decaux et Frédéric Pottecher, à faire la synthèse parfaite entre l’art du conte et les technologies audiovisuelles.
D’instinct, il savait installer le rythme de l’histoire. Même et surtout, et c’est cela que j’aime tout particulièrement chez lui, quand il s’agissait de vendre. Il aimait vendre. Et là, on dit : « respect ». Regardez comment il s’y prenait pour vendre une méthode d’apprentissage du piano !
A l’époque, il avait été un des premiers à introduire le minitel et le téléachat en France. Il avait apporté son sens du récit à cette nouvelle façon de vendre à distance.
Si seulement la chronologie du monde avait été mieux faite, et si seulement Pierre Bellemare avait pu se frotter à la technique de l’Inbound marketing et à internet, il se serait régalé, et nous avec.
Inbound marketing : ce que nous aurait appris Pierre Bellemare
Dans cette rare vidéo qui existe sur Youtube de Pierre Bellemare faisant du téléachat, on est immédiatement bluffé par le côté terriblement banal du texte d’accroche. C’est tellement simple, tellement évident.
« Qui d’entre nous n’a pas rêvé un jour de savoir jouer du piano ? »
Tout est dans le « entre nous » et dans le silence qui s’ensuit. Bellemare se met d’emblée lui-même dans l’histoire : il dit « nous ». Et le silence qui suit oblige l’auditeur à se laisser embarquer.
Il arrive avec sa propre histoire … et figurez-vous que c’est la même que la nôtre ! Qui d’entre nous…
En trois mots, il a installé l’idée que lui (personnage célèbre) et nous (le spectateur anonyme), nous sommes dans la même situation, nous avons la même histoire…
Mieux. Au sixième mot, nous savons déjà que l’histoire que nous partageons, c’est un rêve.
Au troisième mot, il a déjà installé l’idée que LUI (Pierre Bellemare) et NOUS partageons la même histoire. Trop fort !
La révélation du rêve : le piano
Alors bien sûr, c’est le dernier mot, « piano », qui a pu alimenter les goguenardises. Et c’est tout le problème de télé et la radio : on s’y adresse à une foule bien trop gigantesque….
Quand on découvre la nature du rêve en question, la probabilité est forte que nous soyons déçus.
Le risque est statistiquement important pour que non, le piano, vous savez, nous …. On était juste là avec Germaine à se demander ce que vous aviez trouvé de nouveau pour la cuisine ou la salle-de-bains. Mais bon, Monsieur Bellemare, s’il faut jouer du piano, ben on va en profiter pour aller boire un coup en attendant le prochain produit.
Avec le téléachat, nous restions dans l' »outbond marketing », comme disent les marketeux d’aujourd’hui dans le sublime usage de la langue française qui les caractérise. « L’outbond », c’est le marketing classique où c’est le vendeur qui décide de notre emploi du temps.
Il fallait tout le talent de Bellemare pour que, même si on n’était pas forcément branché « piano » là tout de suite…, eh bien, ma foi, on se laisse entraîner quand même dans l’histoire.
Mais imaginez. Imaginez : si Bellemare s’était retrouvé face à un public dont il savait que 100% de ses membres partageaient cette frustration de n’avoir jamais réalisé ce rêve de jouer du piano !
Si Pierre Bellemare avait pu s’appuyer non pas sur la force de frappe de TF1, mais sur celle, plus actuelle, de Google.
Et s’il avait pu sélectionner son public par la magie de mots-clés et des requêtes quotidiennes. S’il avait pu être sûr à 100% que les gens qui l’écoutent expriment précisément cette frustration de n’avoir jamais réalisé ce rêve de jouer du piano.
Imaginez la puissance de frappe que cela aurait eu.
Non, vous n’arrivez pas à l’imaginer totalement ? Alors ouvrons une parenthèse.
Si Bellemare avait pu s’appuyer sur Google.
Lorsque j’écrivais la première version de cet article en juillet 2014, le mot « Inbound Marketing » apparaissait à peine. Et je n’y parlais pas de Pierre Bellemare.
En revanche, déjà, j’avais repéré dans ce papier d’Alexandre Satta, dans le Journal du Net (article que l’on peut toujours lire en cliquant ici.) une analyse très judicieuse qui s’est largement imposée depuis lors.
Il soulignait déjà que la psychologie du consommateur se traduit, sur les moteurs de recherche, par des comportements différents. Il décrivait ce que l’on analyse désormais comme les étapes du parcours d’achat (voir notamment notre article sur le sujet : Cycle d’achat de vos clients et contenus)
Non, l’internaute n’a pas la même attente selon qu’il en est juste à
- « prendre conscience de son problème »,
- à » évaluer et comparer les solutions ou
- à « décider de passer à l’action ».
Point de vue de l’internaute
Ce qui est capital, c’est de prendre le point de vue de l’internaute, éventuel futur client d’un marchand en ligne.
« Supposions que vous vendiez des matelas (Alexandre Satta avait pris cet exemple, donc continuons…). Compte tenu du comportement de zappeur de l’internaute et de sa capacité à mémoriser très faible, si votre contenu est un article titré « comment bien choisir un matelas », vous n’irez pas loin.
Cela risque d’être vraiment le minimum minimorum pour retenir l’attention de l’internaute. Votre concurrent fera la même chose. Vous aurez tous les deux perdu le temps et l’argent consacré à la rédaction de cet article.
Au mieux, vous aurez capté un peu de son attention … une seule fois !
Cette seule fois ne sera pas suffisante pour engager une relation entre lui, futur acheteur de matelas et vous, fabricant . Encore moins pour vendre un produit aussi cher qu’un matelas.
Il passera sur votre site, vous aurez peu de moyens de le retenir ou de le faire revenir. C’est que vous aurez pris là une approche bien trop rationnelle et formulé une hypothèse fausse : celle selon laquelle tous les gens qui sont sur susceptibles d’acheter un matelas demandent à Google… « comment bien acheter un matelas ».
Voilà ce que j’écrivais à l’époque. Je n’ai pas un seul mot à modifier.
Si Bellemare avait pu s’appuyer sur Google.
Or donc, que ferait Pierre Bellemare ?
Eh bien le début de sa vidéo serait parfait pour les gens qui sont à l’étape 2, celle de l’évaluation.
En cherchant dans Google des expressions relatives au piano, ils manifestent une intention déjà assez précise.
S’ils cherchent confusément à comparer les méthodes pour apprendre le piano, c’est qu’ils sont déjà assez loin. Au fond, ils cherchent surtout à se rassurer sur le fait qu’ils seront capables de le faire. Qu’ils auront la ténacité nécessaire.
Dès lors, Bellemare produirait un contenu où il pourrait utiliser la première phrase de cette vidéo telle qu’il l’utilise dans cette vidéo. Mais il irait ensuite beaucoup plus vite à la rencontre du Docteur Miracle, l’inventeur de la méthode.
Et beaucoup plus vite vers le témoignage de l’assistante. Il jouerait beaucoup plus vite de ce que l’on appelle la preuve sociale (l’exemple, le témoignage).
Et à cette étape, il n’insisterait que sur le fait que « tout le monde peut y parvenir ». Certes, me direz-vous, il le fait abondamment dans le film. Oui, mais bien tard, trop tard pour de l’internet.
Sur internet, il faut avoir capter l’attention dans les 8 premières secondes. Il faut partir du principe que les gens ne vont pas rester, qu’ils sont pressés d’aller voir ailleurs. Qu’il leur faut un Bellemare pour les retenir.
La « proposition de valeur » du contenu dont ils ont besoin à l’étape 2 n’est pas la même que celle dont ils avaient besoin à l’étape 1 et dont ils auront besoin à l’étape 3, la décision.
Que ferait-il à l’étape 1 ?
Du coup, la question s’impose : qu’aurait fait Pierre Bellemare à l’étape 1 ? Celle de « la prise de conscience » ?
Sans doute, se serait-il intéressé à son Buyer-Persona (voir ici notre article : les Buyer Personas selon Michel Audiard).
Il nous parle ici des gens qui fêtent leur 50 ans, qui partent en retraite, qui ont un peu de temps et n’osent pas forcément se lancer dans une nouvelle activité.
Ah ! L’hésitation devant tous les possibles quand on franchit l’âge de la retraite ! La peur d’essayer. De faire face à la liberté.
Là, son couplet sur les cinquantenaires qui ont renoncé quand ils étaient jeunes est absolument parfait.
C’est ce que l’on appelle « agiter le problème » en langage de copywriting. Remuer le couteau dans la plaie.
Mais ce talent pour décrire la situation des gens de 50 ans qui regrettent les cours de piano qu’ils n’ont jamais pris, il ne le gaspillerait pas aussi rapidement que dans cette vidéo. Là franchement, il va trop vite. Tout Bellemare qu’il est, il nous expédie cette affaire à cause de la pression de l’audimat.
C’est là que son art du récit aurait été à son maximum. Ce rêve passé, cette frustration que vous portez depuis des années, depuis votre jeunesse, de n’avoir jamais appris le piano, comment s’en débarrasser ?
C’est là que l’on a besoin d’exemples, d’histoires extraordinaires, ….
Cette étape 1 aurait fait taire toutes les goguenardises. C’est là que Bellemare nous manque sans doute le plus.
Que ferait-il à l’étape 3 ?
A l’étape de la décision, quand il s’agit de se décider, bien évidemment, il ferait du Bellemare.
Je veux dire par là qu’il déploierait son autorité, qu’il donnerait de sa personne. Sa taille, sa voix, son art du silence. Tout cela rassure et fait que l’on obéit à ses suggestions.
C’est le stade où l’on en est à prendre la décision. C’est donc l’étape où l’on hésite éventuellement encore avec des solutions concurrentes, où l’on se demande si vraiment cela vaut la peine. Alors là, il insisterait, une dernière fois, sur le « futur meilleur » qu’il promet à ses clients.
Celui d’une nouvelle époque de leur vie, où il pourront se faire plaisir en jouant des mélodies.
Je me demande même s’il ne se servirait pas de la technique du « problème de riche ».
Pour que le prospect qui n’a pas encore sorti sa carte bleue, continue à se projeter dans ce futur meilleur, celui où il saura jouer du piano, il l’aiderait dès maintenant à régler son futur problème de riche.
Il dirait : « et si vous vous décidez avant ce soir minuit, je vous offre ce qui va vite vous devenir indispensable : le livre des partitions des 50 plus grands succès de la chanson ».
Sous-entendu : vous saurez bientôt jouer tout cela sans problème et je vous évite donc tout de suite la galère de devoir ensuite chercher des partitions un peu partout.
Ce dont a le plus besoin l’Inbound marketing
Voilà ce que ferait Bellemare, selon moi. Tout simplement parce que son talent de conteur à l’oral est aussi ce qu’on appelle le talent de copywriter, à l’écrit. C’est sans doute la ressource dont votre marketing a le plus besoin, bien avant tous les outils, logiciels de data-mining et autres super-outils dont l’acquisition vous rassure tant, en général.
Et c’est de cela dont nous avons besoin le plus dans le webmarketing. De bons conteurs. De gens qui vous font passer d’une étape à l’autre sans lâcher votre attention ni votre intérêt pour l’histoire qu’ils ont commencé à vous raconter.
La méthode captivante
Dans la méthode captivante que nous avons développée à l’Institut du contenu, nous travaillons spécifiquement sur ces différentes étapes du parcours d’achat.
Et nous travaillons précisément le copywriting, comme cela.
En cultivant ce type de réflexes : qu’aurait fait Bellemare ? qu’aurait dit Frédéric Pottecher ? Et plus encore : « comment ferait Shéhérazade ? »