-OK Google, quel est le problème avec cette serrure ? Pourquoi est-ce qu’elle ferme mal ?
– Est-ce que le pêne reste bloqué derrière la têtière ?
– OK Google, c’est quoi, ça le pêne ?
-C’est la pièce de métal qui vient assurer la fermeture en s’introduisant dans la gâche fixée sur le chambranle de la porte.
– OK Google, oui, c’est bien cela. Elle bloque.
– Alors dans ce cas, il vaut mieux changer l’ensemble serrure + gâche que chercher à réparer le pêne. Nous vous conseillons le modèle Vac… XZ (nom de la référence) qui pourra vous être livré mardi matin à domicile ou disponible lundi matin chez Brico…. (nom du magasin le plus proche). Vous pourrez ainsi la changer mercredi matin, puisque votre Google agenda dispose d’une heure de battement avant 11 heures 30.
-Ok Google, on fait comme ça. Commande la pièce, j’irai la chercher au magasin.
Intelligence artificielle et NLP : tout est déjà là
Les experts en intelligence artificielle annoncent que cette scène pourrait devenir une réalité quotidienne d’ici quatre à cinq ans. Guère plus. Amazon aurait déjà vendu à ce jour 25 millions d’exemplaires de son Echo qui s’appuie sur son assistant Alexa. L’assistant vocal de Google est déjà accessible depuis plus de 400 millions de tablettes, smartphones et ordinateurs.
Bref, les équipements sont prêts.
L’intelligence artificielle aussi est là, le NLP (natural language programming) fait des progrès chaque jour. Sans doute faudra-t-il améliorer les connexions entre les assistants vocaux et les logiciels de boutique en ligne, mais cela ne devrait pas poser de problème particulier.
Alors que manque-t-il encore pour que cette scène ne relève plus de la science-fiction mais corresponde à une réalité concrète ?
Il manque juste des contenus
Tout simplement les contenus.
Pour que la scène ci-dessus se réalise, les choses sont en effet loin d’être prêtes côté contenu, contrairement à ce dont semblent convaincus la plupart des marketeurs qui foncent s’équiper d’outils techniques toujours plus coûteux et oublient le travail de base, celui de la rédaction.
Non, rien n’est prêt.
Il suffit d’aller trente secondes sur Google et de se mettre dans la situation de la personne qui se trouve face à une serrure bloquée. Et qui se pose donc tout simplement la question: « puis-je la réparer ou dois-je la remplacer ? »
Si vous faites l’expérience, vous tomberez sur quantité d’articles, certes, mais étonnamment, tous ces contenus proposés se situent en aval de ce que l’on pourrait appeler ici le parcours de décision de l’utilisateur (voir aussi sur ce sujet notre article sur le parcours d’achat).
Clés et serrures
Dans la scène ci-dessus, lorsque tout commence, l’internaute n’a en effet pas décidé de changer sa serrure. Il en est à se poser la question « que se passe-t-il ? »
Tapez sur Google « réparer ou changer sa serrure ? ». Et c’est une avalanche de Google Ads pour des serruriers, le premier article (position 1 de Google) étant : « comment faire une réparation de serrure ».
Bref. Tout le monde a décidé à sa place que l’internaute devait absolument bricoler : ou réparer ou changer.
Seulement voilà : à ce stade, ce n’est pas encore son intention. Il veut juste savoir comment décider, qu’on l’aide à diagnostiquer le problème.
Il veut juste comprendre. Hélas, Google, à la date d’aujourd’hui, n’a rien « à se mettre sous la dent » pour répondre à la véritable intention de l’internaute. Autrement dit : la place est libre.
En effet, Google n’aime pas trop ça, ne rien avoir à se mettre sous la dent. On sait en outre que ceux qui remporteront la mise avec les assistants vocaux seront ceux qui auront atteint « la position zéro » des pages de recherche, celle que choisira « OK Google » quand il n’aura qu’une seule phrase à formuler pour répondre, comme dans notre exemple (voir notre article sur le SEO vocal).
En finir avec le mythe du mot-clé « stratégique »
Comment atteindre cette position zéro ? En sortant de l’obsession du mot-clé unique et à tout prix.
Le « mot-clé stratégique » celui lié au « produit » ne sera pas forcément celui qui apporte les réponses les plus pertinentes.
Par exemple ici, dans cette scène, on voit mal pourquoi OK Google irait chercher ses réponses du côté des mots-clés « changer sa serrure », puisque, encore une fois, ce n’est pas la question de départ. S’il trouve quelque chose de pertinent du côté de « réparer ou changer sa serrure ? », il s’en servira.
Pourtant, à l’heure où j’écris ces lignes et effectue des recherches sur internet, personne n’apporte la réponse à ce besoin d’aide à la bonne décision.
Il suffit de surfer quelques minutes sur le web pour constater à quel point les enseignes de bricolage ont investi en production de contenu, avec des vidéos dans tous les sens, des images, des conseils, des infographies, des fiches-produits, des suggestions : tous les formats possibles de contenus ont été utilisés par ce marché.
Dans toute cette avalanche de contenus, il est pourtant stupéfiant de constater qu’aucune d’entre elles n’a eu l’idée de consacrer une rubrique de contenu : « réparer ou changer ? ».
C’est sûr, si on répare on n’achète pas.
Seulement voilà : c’est la question que se pose tout internaute avant d’envisager toute solution. Et donc, demain, à l’heure du SEO vocal…
Comme un vendeur du magasin.
Imagine-t-on un vendeur d’une enseigne de bricolage ne pas répondre à une telle question de la part d’un chaland dans son magasin ?
En tant que vendeur, c’est quand même son boulot de base. Mais aucune enseigne de bricolage ne semble considérer que le blog de son site doive faire le même boulot qu’un vendeur.
Quand on saisit « réparer ou remplacer » sur Google, on ne tombe que sur des sujets « automobile » et, en page 2 sur un « artisan-honnête » qui s’est habilement positionné sur cette idée. Il est le seul.
D’où vient le problème ? De ce que la plupart des marketeurs modernes travaillent beaucoup trop mal leurs buyer personas. Et oublient de se mettre, comme je l’ai fait en début d’article, dans la situation de départ d’un lecteur potentiel (à l’heure où il n’est que lecteur potentiel et pas encore client potentiel).
Comment faire concrètement
Le job du marketeur en matière de contenu est en effet de savoir dire : « quel contenu pour quel lecteur à quel moment et pour quel appel à l’action ? »
Trop souvent, pour faire ce job, il commence par le premier item : « quel contenu ».
Alors que l’item le plus important selon moi, est « pour quel lecteur », le deuxième plus important est « à quel moment », le troisième « pour quel appel à l’action »… (écoutez à ce sujet ce podcast).
Une fois que l’on a répondu à ces trois points-là, le contenu à produire devient évident.
« Quel lecteur à quel moment » est en fait la question de la mise au point des buyer personas.
On comprend avec l’exemple choisi ci-dessus et l’enjeu qu’il représente (la position « zéro » qui seule émergera pour les requêtes posées par l’assistant vocal), qu’il s’agit d’être prêt à répondre à tous les types de clients possibles : « ceux qui savent ce qu’est un pêne, ceux qui ne savent pas, ceux qui sont pressés, ceux qui ne le sont pas, ceux qui savent se servir d’un tournevis, etc. » Il faut tous les connaître.
Mener l’exercice des Buyer Personas
Dans cet article, nous avons établi une liste de 18 étapes pour construire correctement ses buyer personas.
Mais le vrai secret, au-delà du nombre d’étapes, réside dans la façon dont on mène l’exercice.
Il s’agit de procéder à l’inverse de ce que l’on fait habituellement. On ne doit surtout pas chercher à faire une synthèse. Le portrait-robot ne doit pas être construit ici par tout ce qu’il rassemble d’identique. Au contraire, on doit s’intéresser à tous les cas particuliers possibles (au moins dans l’idéal).
J’ai résumé c e principe de l’hyper-ciblage dans cette vidéo.
Dans la réalité, on fera un premier tri dès le départ, en se concentrant d’abord sur les clients que l’on préfère, sur les plus rentables. Les autres, on les considère comme non prioritaires.
On aura intérêt parfois à dresser aussi une liste de portraits-robots de clients que l’on ne veut pas.
Récemment, en travaillant pour une franchise de restaurants, nous avons ainsi étudié différents buyer personas arrivant par « La Fourchette », une plateforme intéressante pour apporter des clients mais pas toujours intéressante pour les marges qu’elle laisse.
Alors, nous avons défini le portrait-robot de quelques clients « La Fourchette » dont on ne voulait absolument pas : par exemple, ceux capables de faire du chantage du type « vous nous offrez le café pour qu’on mette un commentaire favorable sur La Fourchette ? »
« Le problème » du Buyer Persona
Définir le buyer personas donc par quelques critères socio-démographiques est certes utile, mais ce n’est vraiment pas l’essentiel. Ce qui va nous intéresser beaucoup plus, ce sont ses problèmes et la façon dont il va chercher à les résoudre.
C’est cela le principal. Et c’est cela qui va nous permettre de …. le rencontrer, ce buyer persona.
En explicitant son problème, par écrit, on va en effet chercher les expressions-clés qu’il utilise pour l’exprimer, pour effectuer ses recherches, et on va donc, à chaque fois, construire les contenus qui répondent à ces expressions.
Voilà pourquoi il est important de se mettre à sa place… en oubliant au maximum le produit ou le service que l’on vend.
Revenons à notre saynète.
L’urgence est bien de trouver le moyen de rencontrer un buyer persona particulier : celui qui se demande s’il peut encore réparer sa vieille serrure et qui, au passage, dispose d’un agenda bien chargé.
Nous savons très bien que dans 99,99% des cas, réparer sa serrure n’a aucun sens, ni aucune chance de réussir, surtout pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup de temps. Mais nous n’avons pas à « raconter l’histoire » de notre point de vue, mais du sien. Et lui, il veut savoir s’il peut la réparer.
Un article résumant les conditions auxquelles on peut envisager de réparer une serrure qui coince s’impose.
La fausse bonne solution
Dans 60% des cas, lorsque nous travaillons sur des buyer personas, à l’Institut du contenu, nous étudions les « fausses bonnes solutions » recherchées par ces buyer personas.
Exemple : quelqu’un qui va avoir besoin d’un expert d’assuré (un expert qui va l’aider à obtenir une meilleure indemnisation de la part de son assurance en cas de dommage) ne sait en général même pas que ce métier existe.
Si l’on travaille sur le mot-clé « expert d’assuré », on passe donc à côté de 80% du marché potentiel. On ne s’intéresse qu’à ceux qui savent déjà.
En revanche, en étudiant toutes les « fausses bonnes solutions » auxquelles il pense lorsqu’il se trouve face à un dommage (« contester ce que me propose mon assurance », « association de défense contre les assurances », etc.), on a des chances de pouvoir entrer en contact avec lui, en lui proposant le contenu qui va lui expliquer l’autre solution qui s’offre à lui.
« Votre assurance vous propose-t-elle une indemnisation suffisante ? Comment le vérifier. Voici l’analyse d’un expert vraiment indépendant. »
Champ lexical
On ne travaillera évidemment pas les mêmes mots-clés, on ne construira pas les mêmes contenus et surtout on n’utilisera pas forcément le même champ lexical.
Et on choisira bien entendu le bon niveau de langage : en l’occurrence ici, dans le cas du futur client d’un expert d’assuré, plus on avancera dans le parcours d’achat, et plus on se rapprochera de la prise de décision, plus on aura un lecteur ayant acquis des « compétences ». Et plus on pourra s’autoriser l’emploi de termes « techniques ». Mais pas au début de ce cycle.
On n’écrira donc pas de la même façon pour un lecteur qui se situe très en amont de son parcours d’achat (étape prise de conscience) et pour un lecteur qui se situe un peu plus en aval (au moment de l’évaluation et de la comparaison des solutions, comme dans le cas de la serrure).
Le Buyer Persona, l’outil des outils
Bien entendu, il y a de nombreuses subtilités dans le travail sur ces Buyer Personas.
Le vrai risque est celui des fausses pistes : imaginer des portraits-robots avec des problèmes qui nous apparaissent comme le bon sens même et qui pourtant n’existent pas, au moins au sens de Google (qui ne font pas les recherches qu’ils devraient).
Il faut donc au plus vite, une fois le travail en interne effectué à travers des réunions de brainstorming et la récupération d’éléments contenus dans les études passées, aller vérifier que ces « problèmes » que l’on a imaginé existent bel et bien, qu’il y a bien des recherches correspondantes sur internet.
Avec les mots-clés que l’on imagine ou des mots-clés comparables suggérés par les outils tels que Ubersuggest ou anwswerthepublic.com, on dressera le champ lexical autour du problème identifié.
Il faut ensuite vérifier qu’il y a suffisamment de recherches mensuelles sur ces intentions, et ce, avec les outils tels Google Ads Planner ou Google Trends (en première approche).
Sans oublier que les choses évoluent. Google indique que 17% des intentions se renouvellent tous les ans.
En conclusion
On l’aura donc compris, en matière de contenu, tout commence par les buyer personas. Les mots-clés et les contenus viennent ensuite.
Les buyer personas sont l’outil des outils du marketing moderne. En revanche, il faut faire attention. Il faut vraiment faire le travail et suivre les 18 étapes (si elles s’appliquent dans votre cas).
La notion commence à être galvaudée et utilisée n’importe comment par certains « experts ».
Quand je lis parfois qu’il faut créer des « buyer personas » pour mieux travailler sa « visibilité », je saute au plafond.
S’il y a bien une raison pour laquelle il faut faire des buyer personas, c’est justement pour « s’oublier » un peu soi-même avec ses problèmes de visibilité, c’est pour s’intéresser aux personnes qui recherchent quelque chose. Pour affiner la pertinence de la réponse. Se mettre dans leur peau. Le vrai sujet, c’est d’engager la conversation avec elles, pas de chercher à « se montrer » ni à faire le « beau ».
Et surtout pas : leur mettre un message dans la tête. Cela, c’est le problème de la publicité, pas celui du contenu.