Ceci est la traduction d’un article de Courtney Seiter paru sur le blog de Buffer, un outil de gestion des posts sur les réseaux sociaux.
Emotions : pourquoi s’y intéresser ?
Chaque jour nous éprouvons des centaines d’émotions différentes, en fonction des situations physiques sociales que nous vivons.
Une étude prétend que nous sommes uniquement capables de quatre émotions de base : joie, tristesse, peur/surprise, colère/dégoût.
Mais comme en cuisine, ces émotions-mères se mêlent entre elles pour donner une myriade de couches d’émotions au goût plus subtil.
Robert Plutchik, dans sa fameuse roue des émotions montre quelques-une de ces strates émotionnelles :
Dans cet article, nous allons faire un gros plan sur chacune de ces quatre émotions, pour voir comment elles se forment dans le cerveau et comment elles peuvent nous mener à des actions surprenantes.
La joie nous fait partager
Le psycho-analyste Donald Winnicott a découvert que dans la vie, notre première action liée à une émotion était notre premier sourire. Il répond au sourire de notre mère.
De façon évidente, la joie et le bonheur sont donc bien programmées chez chacun d’entre nous.
Le cortex préfontal gauche est le lieu où se situent les sentiments heureux tels que l’optimisme ou la résilience.
Une étude faite par le Laboratory for Affective Neuroscience sur des moines bouddhistes a montré que le lobe préfrontal gauche de leur cerveau s’active quand ils entrent dans un état de meditation bienheureux.
La joie est aussi un moteur de l’action.
La découverte de Winnicott sur le sourire de bébé prouve que la joie augmente quand elle est partagée.
Il est logique, dans ces conditions, que la joie soit le principal moteur du partage sur les réseaux sociaux. Les émotions issues et liées au bonheur représentent la majorité des principaux “drivers” du contenu viral, tel qu’étudié par Fractl.
Etude
Jonah Berger, professeur de marketing à l’Université de Pennsylvanie (Wharton School) et auteur de Contagious: Why Things Catch On (Contagion : pourquoi les choses “prennent”), a étudié près de 7 000 articles du The New York Times. Il voulait déterminer ce qu’il y avait de particulier dans ceux qui étaient les plus partagés. Il a découvert qu’un article était d’autant plus viral qu’il était positif.
Abigail Posner de chez Google décrit ce sentiment d’urgence du partage comme un “échange d’énergie”.
“Quand nous voyons ou que nous créons une image qui nous anime, nous l’envoyons aux autres pour leur donner un peu d’énergie et d’effervescence. Tout cadeau entretient l’esprit de celui qui offre le cadeau. (…) Et quand nous “likons” ou commentons une image ou une vidéo qui nous a été envoyée, nous envoyons une sorte cadeau en retour à l’émetteur. (…) Plus profondément, ce “cadeau” du partage contribue à un échange d’énergie qui amplifie notre propre plaisir.”
La tristesse nous mène à la connexion et l’empathie.
Comme si la tristesse était une forme inversée du bonheur, les émotions de la tristesse et de la peine activent les mêmes zones du cerveau que la joie.
Mais quand le cerveau ressent de la tristesse, il produit également des substances neurochimiques particulières. Une étude de Paul Zak s’est intéressée à deux en particulier.
Zak a étudié la réaction de gens regardant une histoire courte et triste à propos d’un garçon avec un cancer.
Face à cette histoire, les participants produisent du cortisol, connu aussi comme l’hormone du stress, ainsi que de l’oxytocine, une hormone qui facilite la connexion aux autres et l’empathie.
Plus tard, ceux qui produisaient le plus d’oxytocine étaient ceux qui étaient le plus enclins à donner de l’argent à des gens … qu’ils ne connaissaient donc pas.
Zak postule que la faculté de l’oxytocine à créer de la compassion et de l’empathie peut aussi nous rendre plus généreux et confiant.
Dans cette autre étude, les participants sous influence de l’oxytocine se sont également révélés plus généreux que ceux qui n’étaient pas exposés à la substance.
“Nos résultats expliquent pourquoi on met des poupées et des bébés dans les pubs de papier toilette”, explique Zak. “Cette recherche suggère que les publicitaires utilisent des images qui provoquent la sécrétion d’oxytocine pour provoquer de la confiance dans le produit ou la marque, et donc, augmenter les ventes.”
La peur et la surprise nous laissent désarmé
Même si ceux qui sont sensibles à l’anxiété, la peur et la dépression montrent aussi une activité plus forte du cortex préfrontal, l’émotion de la peur est contrôlée principalement par une petite structure en forme d’amande dans le cerveau, appelée l’amygdale (voir ci-dessous).
L’amygdale nous aide à déterminer la signification de tout événement effrayant et décide de la façon de répondre (combat ou fuite). Mais la peur peut aussi causer une autre réponse qui peut intéresser les marketers en particulier.
Une étude publiée dans le journal de la recherche des consommateurs démontre que les consommateurs qui expérimentent la peur en regardant un film ressentent un plus grand sentiment de proximité avec avec une marque présente à ce moment-là que ceux qui regardent des films évoquant d’autres émotions, telles que le bonheur, la tristesse ou l’excitation.
La théorie est que lorsque nous sommes effrayés, nous avons besoin de partager l’expérience avec d’autres, et si personne d’autre n’est à proximité, même une instance non humaine telle qu’une marque fera l’affaire.
La peur peut inciter les gens à faire preuve d’un attachement plus grand à la marque.
“Les gens font face à la peur en se rassemblant avec d’autres gens. Quand ils voient un film effrayant, ils se regardent les uns les autres en disant “Oh mon dieu !”. Dès lors, ils sont en relation, ” explique l’auteur de l’étude Lea Dunn.
“Mais, en l’absence d’amis, notre étude montre que les consommateurs vont créer un lien émotionnel augmenté avec une marque qu’ils auront sous la main.”
La colère et le dégoût nous rendent plus têtus
L’hypothalamus est responsable de la colère, avec plein d’autres besoins de base tels que la faim, la soif, la réponse à la peine et à la satisfaction sexuelle.
Tandis que la colère peut nous amener à d’autres émotions telles que l’agression, elle peut aussi créer une curieuse forme d’obstination en ligne, comme vient de le découvrir une récente étude de l’University of Wisconsin .
Dans cette étude, on a demandé aux participants de lire un article du type “POUR ou CONTRE” sur les risques et les avantages des nanotechnologies.
Le corps de l’article était le même pour tout le monde, mais un groupe lisait une version où l’on avait ajouté des commentaires sur un ton tout à fait civil, tandis que l’autre lisait une version où les commentaires étaient coléreux et exprimés dans un langage comprenant des mots insultants.
Les commentaires rudes ont eu tendance à renforcer les participants dans leur position : ceux qui pensaient que les nanotechnologies comportaient des risques faibles étaient plus sûrs d’eux-mêmes s’ils avaient lu la version avec les commentaires durs, alors que ceux qui pensaient l’inverse étaient également renforcés dans leur conviction.
Plus intéressant : la réaction de ceux qui n’avaient pas d’opinion a priori sur les nanotechnologies avant de lire l’article.
Le groupe qui avait lu la version avec des commentaires civils ne montrait pas de changement d’opinion.
Ceux qui avaient lu les commentaires rudes, finissaient avec une opinion plus négative et plus focalisée sur les risques des nanotechnologies.
Le simple fait d’inclure une simple attaque ad hominem dans un commentaire de lecteur suffisait pour que les participants à l’étude estiment que la partie sombre de la technologie en question était plus importante que ce qu’ils pensaient auparavant !
La négativité a donc un effet réel et durable – et c’est évident dans la façon dont les contenus sont partagés, également.
Dans l’étude évoquée ci-dessus sur les articles du New York Times, certaines émotions négatives sont également associées à la viralité – et spécifiquement, la colère.
Pourquoi les émotions sont importantes en marketing
Qu’est-ce que cela nous apprend pour le marketing ? Que les émotions sont décisives – plus encore que ce que l’on croyait jusque-là- pour le marketing.
Dans une analyse de IPA dataBANK, qui contient 1 400 études de cas de campagnes publicitaires à succès, on s’est rendu compte que les campagnes avec un contenu purement émotionnel avaient un résultat environ deux fois meilleur (31% vs. 16%) que celui de campagnes avec des contenus rationnels (et faisaient un petit peu mieux que celles qui mélangeaient émotion et raison).
C’est logique si l’on se réfère à ce que les scientifiques savent désormais : les gens ressentent d’abord, pensent ensuite.
La partie émotionnelle du cerveau traite les informations 5 fois plus vite que notre cerveau cognitif.
Et puisque le système émotionnel explique pourquoi l’être humain a survécu à des siècles d’évolution, notamment grâce à la colère ou la peur, il est très intéressant de prêter attention à des phénomènes, même aussi primaires. On y obtient des résultats étonamment puissants.
Tel que celui-ci : dans une étude qualitative, Generac, un fabricant de groupes électrogènes, a demandé à certains consommateurs de raconter leur expérience avec ces produits.
Voilà ce que raconte l’article qui est consacré à cette expérience dans la Harvard Business review:
Les hommes décrivaient les groupes électrogènes comme des superhéros protégeant leur famille et les femmes dessinaient la crainte de se retrouver sans comme si elles étaient en train de sombrer avec le Titanic.
Ce résultat les a amenés à changer leur marketing en mettant de côté les spécifications techniques et en mettant plutôt en avant les témoignages de clients réels racontant comment Generac avait sauvé leur maison et leurs vies. Le chiffre d’affaires s’en est vu doublé en deux ans.
(…)
C’est pourquoi Abigail Posner chez Google dit qu’il faut s’intéresser à la science des emotions en marketing.
“Comprendre l’appel à l’émotion et les moteurs-clés derrière le fait de découvrir, voir, partager (voire même créer) une vidéo, une photo ou un contenu visuel en ligne est important. Il faut bien se dire que dans le web visuel, lorsque l’on partage une vidéo ou une image, on ne partage pas juste un objet : on partage la réponse émotionnelle qu’il provoque.”
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